L'inutile voyage de Sarkozy en Israël

Publié le par Hamid Kelley

Par Bernard Dugué / Agoravox

Cet article a été rédigé par un reporter d'AgoraVox, le journal média citoyen qui vous donne la parole

La visite du président français servira-t-elle à quelque chose ? On peut en douter et même juger inutile ce périple élyséen où Sarkozy plaide d’abord pour un Etat palestinien comme garant de la sécurité d’Israël. C’est faire bien peu de considération que de faire de cet Etat hypothétique un moyen au service d’Israël. L’Etat palestinien devrait être le garant de la dignité et la légitimité des Palestiniens ? Est-ce trop demander à Sarkozy que de formuler ainsi ses souhaits ? Cette faute de formule est-elle calculée et, si oui, est-ce au fond une déconsidération des Palestiniens ou bien une manière diplomatique de mettre en avant son hôte israélien ? Pour le reste, Sarkozy nous a gratifiés de vœux pieux, de paroles pétries de bon sens. Arrêter la colonisation a-t-il dit, donner un peu de souffles économiques aux territoires occupés et, à Gaza, ouvrir les points de passages.

A quoi bon lancer ces paroles dans l’air ? La situation est sans issue depuis longtemps. Des questions essentielles comme celle de l’eau et de la surpopulation sans compter les territoires. Guère de solution ni d’espoir. D’autant plus que les dirigeants israéliens n’écoutent pas le monde ou, du moins, font semblant tout en agissant à leur guise malgré l’enlèvement d’un soldat et quelques tirs de roquettes, des grains de sable dans la machine... Mais il est bon pour un président d’afficher ses bonnes intentions, de manifester son amitié à Israël, une amitié dont on ne mettra pas en doute la sincérité, mais qu’on relativisera dans le contexte de cette question palestinienne dont, chaque année, on voit la solution s’éloigner. Les observateurs sur le terrain le savent. Alors ces embrassades entre Shimon et Nicolas, c’est bon pour le protocole, les médias, la bienséance, la bonne conscience, les apparences. Le tout obéissant à une normalisation des relations entre la France et Israël à un moment où un rapprochement se produit avec les Etats-Unis dont les dirigeants probables savent apprécier notre Sarkozy ; lequel aime les puissants en faisant preuve d’une bienveillante condescendance pour les malheureux Palestiniens restés politiquement impuissants et à qui quelques expédients sont proposés pour patienter. L’économie, ouvrir les check-points pour travailler plus. Mais l’Histoire va se poursuivre dans ses impasses, calvaires et tragédies. Pour combien de temps ? Les peuples souffrent, mais les dirigeants n’y sont pour rien. Ils s’embrassent, se font plein de bisous, de formules, de cérémonies, disent qu’ils s’aiment. Et même le président syrien est aimé de Sarkozy qui l’invite pour les cérémonies du 14-Juillet. Reste une énigme. Pourquoi le monde va si mal alors que ses dirigeants sont si gentils, tellement imprégnés de bonnes intentions ?

Il est des billets d’une incroyable légèreté, portant sur l’arrivée des Allemands en tongs dans les stations balnéaires, ou des méduses dans la Méditerranée, et d’autres d’une terrible gravité, comme sur l’avenir d’Israël dont on parle en ce moment à l’occasion de la visite présidentielle.

Les rapports entre la France et Israël ont toujours été ambigus. Pourtant, l’Histoire devrait permettre à ces deux pays d’être amis, mais tout passe si vite et l’on a oublié combien la France a œuvré pour la naissance et le développement d’Israël après 1948, conjointement avec les Britanniques. Une longue histoire faites de drames et d’espérances. La France a notamment participé à l’armement de Tsahal. Ces faits ont été oubliés depuis, à l’instar de la participation, limitée certes, mais ô combien symbolique, à la guerre d’indépendance américaine. De 1775 à 1783 la France a en effet envoyé 15 000 hommes et des moyens militaires pour aider les indépendantistes à s’affranchir de la tutelle britannique. Mais, depuis, Lafayette a été oublié, comme d’ailleurs les GI morts sur les plages en 1944. La France et les Etats-Unis ont toujours eu des rapports de coopération, mais ne s’aiment pas vraiment.

On pourrait en dire autant de la France et d’Israël qui ne s’aiment plus trop depuis 1967. Mitterrand, lors de son voyage en 1982, plaidait pour le droit des Palestiniens à s’autodéterminer et, donc, à fonder leur propre Etat si on transcrit la formule en termes pragmatiques. En 1996, Jacques Chirac marqua cette histoire d’une fameuse altercation avec le service d’ordre israélien lors de sa visite… you want I go home ? Il faut dire que Chirac était comme Mitterrand plutôt défenseur de la cause palestinienne, que prêt à appuyer aveuglément la politique israélienne. Il faut reconnaître que le destin de cette nation s’est révélé hors normes. Une véritable épopée en plein XXe siècle. Et malgré le modernisme de cette époque, Israël a mené trois guerres successives pour se constituer et, notamment, régler ses frontières. Bref, une sorte d’anomalie à une époque où les frontières des nations étaient pratiquement fixées dans le marbre. Et d’ailleurs protégées par l’ONU. Une première extension de territoire eut lieu en 1948, suite à un conflit devenu source de dispute entre historiens. On comprend pourquoi, puisque qu’Israël s’est emparé de 25 % de terres supplémentaires par rapport au plan de partage alors en vigueur. Et ce fut aussi la première manifestation de force du peuple juif alors que les Palestiniens en déroute ont vu commencer le long calvaire des réfugiés.

En 1967, la guerre des six jours conduit Israël à annexer Jérusalem Est et une bonne partie de la Cisjordanie. La révolution 242 de l’ONU impose le retrait de Tsahal des territoires occupés, mais Israël n’appliquera jamais cette résolution, ce qui ne fera que tendre les relations avec ses voisins d’autant plus que la colonisation débute. Le retrait de Gaza ne changera rien à l’affaire. Des centaines de milliers de colons occupent la Cisjordanie. On ne voit pas comment un Etat peut se former en ayant un territoire en forme de gruyère. L’Egypte et Israël signent la paix, mais, au Nord, la Syrie appuie les Palestiniens et la première guerre du Liban commence. Entre-temps, deux Intifadas ne font qu’augmenter la tension. Une seconde guerre du Liban se produit l’été 2006, plus courte et moins étendue que la précédente, avec cette fois le Hezbollah comme nouveau belligérant. Puis une guerre civile se produit à Gaza entre partisans du Hamas et d’Abbas. Du coup, le président de l’Autorité palestinienne n’a plus vraiment d’autorité et se trouve pratiquement en situation d’exil.

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