Deby/El Bechir : Qui évite le regard, fuit le dialogue !
Le Soudan accepte de renouer le dialogue, le Tchad attend
Par Ali ABBA KAYA / AFP
N'DJAMENA (AFP) - Sous pression internationale, le Soudan a accepté, selon Dakar, le principe d'une reprise de ses relations diplomatiques rompues en mai avec le Tchad, qui s'affirme ouvert au dialogue mais "attend de voir" une réelle volonté soudanaise "d'entretenir des relations amicales".
"Le président de la République du Soudan, son excellence M. Omar Hassan el-Béchir, accepte la reprise des relations diplomatiques entre le Tchad et le Soudan en réponse à l'appel solennel que lui a lancé son frère, le président (sénégalais) Abdoulaye Wade", selon un communiqué de la présidence sénégalaise.
"Nous avons pris acte de la volonté du Soudan de reprendre les relations diplomatiques. Nous allons aviser", a déclaré par téléphone le ministre tchadien des Affaires étrangères Moussa Faki à l'AFP depuis Dakar où il se trouvait pour la réunion du groupe de contact entre les deux pays chargé de la mise en oeuvre de l'accord de paix de Dakar signé en mars.
"On attend de voir s'il y a une réelle volonté d'entretenir des relations amicales avec le Tchad, s'il y a une volonté réelle de laisser le Tchad tranquille. Tout dépend du Soudan", a ajouté M. Faki.
"Le Tchad a fait remarquer au Soudan que malgré plusieurs accords et à peine 48 heures après la réunion du groupe de contact à Brazzaville (9 juin), le Tchad avait été attaqué et agressé" par des colonnes de rebelles tchadiens venus du Soudan (le 11 juin), a toutefois souligné le ministre, précisant qu'il était "prématuré de vouloir rouvrir les frontières" fermées depuis mai.
"C'est le Soudan qui avait rompu les relations de manière unilatérale: il peut décider de les reprendre. La balle est dans son camp. A Dakar, il était représenté par son ministre des Affaires étrangères alors qu'auparavant, il envoyait un fonctionnaire. Peut-être est-ce-là le gage de plus de sérieux de leur part?", s'interroge M. Faki.
M. Faki a confirmé que M. Wade s'était "entretenu par téléphone" avec M. Béchir.
Le président soudanais tente-t-il de donner des gages alors que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé un mandat d'arrêt contre lui en l'accusant d'avoir orchestré un génocide au Darfour?
"Peut-être", répond M. Faki qui ajoute: "avec la procédure judiciaire, la communauté internationale a pu mesurer le drame du Darfour. Cette procédure va dans notre sens, elle va participer à la manifestation de la vérité et sans doute aider à impulser une solution".
Le Tchad, qui abrite quelque 450.000 réfugiés darfouris et déplacés tchadiens dans l'est du Tchad, estime que la normalisation de ses relations avec Khartoum passe par une solution au Darfour.
"Nous n'avons pas d'animosité envers le Soudan mais nous n'acceptons pas qu'il déverse son problème chez nous et nous tienne responsable de ses contradictions", observe M. Faki.
Les deux pays entretiennent des relations tumultueuses depuis cinq ans, s'accusant régulièrement de soutenir les rébellions en lutte contre leur régime respectif.
Le Soudan avait rompu ses relations avec N'Djamena, l'accusant d'être derrière l'attaque, en mai, du Mouvement pour la Justice et l'Egalité (JEM) sur Omdurman, ville jumelle de Khartoum.
Le président tchadien Idriss Deby Itno avait alors dénoncé l'"obstination" du Soudan à vouloir "détruire" le Tchad et "embraser toute la région", niant toute implication dans l'attaque sur Omdurman.
Selon M. Deby, depuis 2005, le Tchad a subi 28 attaques venant du Soudan dont celles contre N'Djamena le 13 avril 2006 et les 2 et 3 février 2008. La dernière en date s'est produite mi-juin.
En 2006, les deux pays avaient déjà rompu pendant quatre mois leurs relations après une attaque rebelle au Tchad.