Pendant que le monde ignore le Zimbabwe…

Publié le par Waldar

 L’ambassadeur américain au Zimbabwe, James Mcghee a déclaré que le Zimbabwe est un « Etat failli ». Le cholera et la malnutrition sèment la mort aux quatre coins du pays alors qu’écoles et hôpitaux ont fermé Le taux de chômage tutoie les 90%, les prix doublent tous les jours et le troc a supplanté une monnaie sans valeur, le dollar zimbabwéen auquel on a retiré 13 zéros l’année dernière dans une vaine tentative de le rendre viable. Des centaines de milliers de Zimbabwéens ont fui vers les pays limitrophes. Mais les dirigeants africains refusent toujours d’intervenir de manière efficace.

L’année dernière le Président Robert Mugabe a perdu une élection au coude à coude face au Mouvement pour le Changement Démocratique (MDC) et son leader Morgan Tsvangirai, mais il s’accroche au pouvoir par le bluff diplomatique et l’arrogance envers l’étranger, ainsi que par la torture, l’oppression et la négligence criminelle des populations dans son pays.

Le cholera s’est répandu du fait d’installations sanitaires en ruine, dans lesquelles les égouts contaminent facilement les réserves en eau. Ceci démontre la faillite des systèmes les plus basiques de santé publique. Les agences d’aide tentent de livrer de l’eau potable, des antibiotiques et des sels réhydratants pour traiter les dizaines de milliers de personnes infectées mais les livraisons sont interceptées par les dirigeants. Les chiffres de l’ONU recensant en gros 40.000 cas et de 2.100 morts sous-estiment sans nul doute la situation car beaucoup de malades meurent chez eux, souvent seuls, trop faibles pour chercher un traitement. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que 60.000 cas sont plausibles maintenant que la saison des pluies a commencé à entraîner des déjections humaines dans les réserves d’eau.

L’économie est aussi à l’agonie. Cette semaine c’est un billet de 100 000 milliards de dollars zimbabwéens qui a été introduit alors que ce qui reste du commerce se fait par troc ou avec des devises étrangères, illégalement, pour éviter une inflation de 230 millions de pourcent. Les mines jadis productives sont désormais des endroits mortels, puisque les officiers de l’armée ont désormais pris le contrôle pour en empocher les revenus déclinants.

Pourtant le Zanu-PF au pouvoir et son dirigeant de 84 ans Robert Mugabe qui règne sur le Zimbabwe depuis 1980 refusent toujours de céder le pouvoir. Alors que le pays s’est écroulé et que le MDC a gagné les élections mais n’a pas pu prendre ses fonctions, l’Afrique du Sud, le Botswana et la Tanzanie ont poussé Mugabe à la table des négociations. Le résultat a été un accord dans lequel le Zanu-PF partageait le pouvoir ministériel avec le MDC. Mais à quelques jours de l’accord très médiatisé, le Zanu-PF s’est rétracté, refusant que le MDC contrôle un seul des ministères chapeautant les forces de sécurité. Le MDC a rejeté la proposition de portefeuilles de deuxième rang : la violence et l’intimidation notoires du parti dirigeant signifiaient en effet qu’un accord n’avait aucune valeur sans contrôle de la police par le MDC, puisque Mugabe et sa clique ne céderaient jamais l’armée.

Les évènements récents ont donné raison au MDC. Ces trois derniers mois plus de 40 partisans du MDC ont disparu et d’autres ont été arrêtés et torturés. Ces rapts non seulement affaiblissent encore l’état de droit et l’organisation politique du MDC, ils conduisent les porte-paroles du MDC à une condamnation agressive du Zanu-PF. Les critiques du MDC sont volontiers rapportées dans les médias internationaux, à côté de commentaires similaires de la part de dirigeants occidentaux. Cela donne ainsi l’opportunité à Mugabe de déclarer simplement que le MDC est la marionnette de l’Occident.

Le ministre de l’information Sikhnyiso Ndlovu a tranquillement décrit l’épidémie de choléra comme une « attaque génocidaire du peuple du Zimbabwe par les britanniques ». Mugabe soutenait que le Royaume-Uni et les Etats-Unis allaient utiliser le choléra comme un prétexte pour un plan d’invasion. Mugabe sait qu’en mettant constamment sur le dos de ces deux lointains pays les malheurs de son pays, les dirigeants démocratiques terrifiés de sa région trouveront plus difficile de critiquer le vétéran héros révolutionnaire. Certains sont même enclins à penser que le Royaume-Uni veut récupérer son ancienne colonie. La propagande de Mugabe semble donc faire son effet.

Thabo Mbeki, qui a été contraint de démissionner de son poste de président sud-africain en septembre et a été le négociateur de l’accord de partage du pouvoir au Zimbabwe, a suivi Mugabe et a même reproché à Morgan Tsvangirai de s’être tourné vers l’occident pour de l’aide. Si Mbeki avait fait montre d’un certain leadership, Tsvangirai serait aujourd’hui le président du Zimbabwe. Kgalema Motlanthe, successeur de Mbeki, ne semble pas non plus décidé à hausser le ton face à Mugabe.

La représentation de l’Afrique du Sud au Conseil de Sécurité de l’ONU vient de se terminer mais son remplaçant, l’Ouganda, a tout de suite déclaré qu’il s’opposerait lui aussi à une action de l’ONU contre Mugabe, comme l’avait fait Mbeki avec les soutiens russe et chinois.

Bien que Mugabe soit un despote criminel il sait comment garder le pouvoir. Jusqu’à ce que les dirigeants démocratiquement élus de l’Afrique ignorent sa rhétorique, le sort des zimbabwéens sera scellé. L’intronisation de Barack Obama aux Etats-Unis a créé une vague d’enthousiasme partout en Afrique. Le président américain a aujourd’hui l’opportunité de montrer aux leaders africains l’attitude à adopter sur le problème du Zimbabwe.

 

Roger Bate est analyste à l’American Enterprise Institute à Washington DC.

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article