massacre au dar tama

Publié le par Waldar

La situation au Dar Tama s’empire de plus en plus, bientôt le Dar Tama sera vidé de sa population.

 

Apres les vols, viols, massacres de la population civile du Dar Tama, le régime de Deby s’en prend au chef traditionnel (le sultan et plusieurs notables sont arrêtés et emprisonné)

 

Pour rappel Lire ci-dessous le rapport publier par HUMAN RIGHTS WATCH en 2007.

 

Le Dar Tama est l'un des trois départements administratifs du Wadi Fira, une région du nord-est du Tchad dont la capitale est Guéréda, à 165 kilomètres au nord-est d'Abéché. Le Dar Tama héberge une majorité de Tama et d'importantes minorités arabes et Zaghawa. Les Tama et les Zaghawa sont des groupes ethniques non arabes qu'on peut trouver des deux côtés de la frontière Tchad-Soudan. Il y a deux sous clans importants parmi les Zaghawa du Dar Tama : celui des Bideyat, auquel appartient le président Déby, et les Burogat, étroitement liés au groupe ethnique des Goran. Historiquement, les relations entre les Tama et les Zaghawa ont été tendues, bien que les deux groupes aient coexisté de façon suffisamment pacifique pour permettre des mariages mixtes jusqu'à ce que les tensions sous-jacentes explosent dans la seconde moitié de 2006, quand des dizaines de civils ont été tués et des milliers d'autres déplacés dans une violence communautaire inspirée et attisée par la dynamique politique de la rébellion armée au Tchad.

Les chiffres exacts sur les victimes sont difficiles à obtenir,[62] mais les autorités Tama de l'un des 14 cantons du département ont établi une liste de 44 hommes Tama dont elles disent qu'ils ont été tués depuis le 16 septembre 2006.[63]   Un chef traditionnel du canton en question a prétendu que tous ces hommes avaient été tués par les hommes armés Zaghawa, et que les hommes Tama étaient particulièrement pris pour cible parce qu'ils étaient soupçonnés d'être des rebelles tchadiens ou des sympathisants des rebelles.[64]

«Les choses ont commencé à aller vraiment mal en septembre 2006, quand les rebelles [tchadiens] sont allés à Aram Kollé,» a-t-il dit, parlant de la zone montagneuse proche de la frontière soudanaise où les rebelles tchadiens  ont combattu contre les forces de l'ANT à la mi septembre. «Maintenant [les Zaghawa] essaient de nous tuer quand ils peuvent. «Vous êtes des rebelles,» disent-ils. Ils veulent tous nous tuer.»[65]  

La violence grandissante au Dar Tama se traduit par un nombre croissant de personnes déplacées dans cette zone. En août 2006, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a reçu des comptes-rendus sur des attaques contre des civils Tama commises par les Zaghawa dans la région de Guéréda, et 1200 Tama ont fui vers Goundo, un village à 30 kilomètres au nord de Adré.[66] Le 24 octobre, environ 3300 civils Tama et Mararit[67] sont passés au Soudan depuis Dar Tama, après que les Zaghawa aient cherché à se venger du meurtre d'une femme Zaghawa par un homme Tama.[68] Des civils déplacés ont aussi commencé à se rassembler à Guéréda, dans la ville proche de Kounoungo et dans deux camps de réfugiés administrés par l'ONU dans la région, Mille et Kounoungo, où le nombre de personnes déplacées d'origine Tama est passé de 49 le 30 octobre à 1861 le 22 novembre 2006.[69] Selon un responsable de réfugiés soudanais au camp de Kounoungo, les attaques de Zaghawa contre des civils Tama ont vidé les villages dans une bande de 10 kilomètres au nord du camp.

«Si vous allez dans ces villages, vous ne trouverez aucun homme dans la journée, seulement des femmes et des enfants,» a-t-il dit. «Même maintenant, pendant la récolte, vous ne trouverez pas d'hommes dans les champs, il n'y a que des femmes qui travaillent. Les hommes se cachent. Ils ont peur de se faire tuer.»[70] 

Les politiques récentes semblent être la clé de la violente dégradation des relations entre les Tama et les Zaghawa, en particulier depuis l'ascension de deux groupes rebelles tchadiens dirigés par des Tama. Mahamat Nour, fondateur du RDL (qui a été incorporé plus tard à l'UFDD) en octobre 2005, est né à Kounoungo, près de Guéréda. Mahamat Garfa, qui a fondé l'Alliance Nationale de la Résistance (ANR) en 1994, est né dans le canton de Faréh, au sud de Guéréda.[71]  Le fait que Guéréda soit perçu comme un bastion de la subversion rebelle semble contribuer aux tensions. D'un autre côté, bon nombre des policiers et des administrateurs civils locaux sont des Bideyat Zaghawa, ce qui a entraîné parmi la population Tama le sentiment que les fonctionnaires locaux sont du côté de l'administration Déby. Ceci rehausse leur perception de sectarisme.

Malgré les craintes des responsables du gouvernement d'une infiltration des rebelles tchadiens au Dar Tama, l'activité rebelle dans cette zone a été relativement peu fréquente, quoi qu'agressive. Le 20 janvier 2006, plus de 100 rebelles du RDL sont venus dans 20 camionnettes depuis leurs bases au Darfour, et ont fondu sur Guéréda où ils ont enlevé cinq personnes, dont le préfet ; ils ont tiré et blessé cinq autres personnes[72] et ils auraient libéré des prisonniers de la prison locale.[73]  Au début du mois de février 2006, des hommes armés supposés être des rebelles tchadiens ont enlevé deux membres du HCR de leur cantonnement à Guéréda et ont commencé à les conduire en direction du Soudan, mais ils ont été obligés d'abandonner leur tentative suite de la crevaison d'un pneu.[74]  Le 1er décembre 2006, des rebelles du RaFD se sont temporairement emparés de Guéréda dans le cadre d'une vaste offensive rebelle tchadienne contre les forces gouvernementales.[75] 

Selon un fermier Tama de 50 ans vivant dans un village à l'est de Guéréda, être un Tama peut se révéler dangereux, en particulier depuis que les rebelles tchadiens ont intensifié les opérations contre l'Etat tchadien.  

«Même pour aller seulement au village d'à côté, nous devons nous cacher dans les arbres et surveiller s'il n'y a pas d'hommes à cheval,» a-t-il dit. «Depuis le Ramadan [25 septembre au 23 octobre] ils veulent éliminer notre groupe ethnique, à cause de la rébellion Tama. S'ils nous laissent tranquilles, ils croient que nous allons tous rejoindre les rebelles, alors maintenant ils nous veulent morts.»[76]

Si les attaques des Zaghawa contre les Tama font en fait partie d'une stratégie de contre insurrection, que ce soit officiellement de la part du gouvernement du Tchad ou de ses agents, ou officieusement comme réaction spontanée des civils à la rébellion, cette stratégie semble s'être retournée : au lieu de décourager leur soutien, la violence semble inciter des civils Tama à se joindre aux rebelles.

«Tous les hommes sont morts ou sont partis rejoindre les rebelles [tchadiens],» a déclaré un dirigeant communautaire Tama à Guéréda. «S'ils restent ici ils sont morts, alors c'est plus sûr pour eux d'être avec les rebelles.»[77]

Au cours de sa mission de recherche, Human Rights Watch a reçu des informations sur des attaques de Tama contre des civils Zaghawa, mais n'a pas eu la possibilité de vérifier ces allégations.[78]

Des personnes appartenant à l'ethnie Tama et vivant dans des villages aux alentours de Guéréda font état d'attaques violentes et fréquentes menées par des hommes armés Zaghawa, issus des sous clans Burogat et Bideyat. Selon des témoins oculaires, les agresseurs sont parfois en uniformes, parfois en civil ou portent parfois des éléments d'uniformes militaires, et se déplacent en général à cheval, par petits groupes de deux à cinq personnes. Des hommes armés Zaghawa ont tué des civils Tama en volant du bétail ou autre chose, et ils se sont parfois livrés à des combats armés avec des forces d'autodéfense villageoises Tama,[79] qui se sont soldés par un nombre inconnu de victimes dans la région. Les femmes ne sont en général pas tuées, ce qui serait dû, selon les dirigeants Tama, au fait que le but des agresseurs Zaghawa était de priver les mouvements rebelles tchadiens de recrues en état et en âge de combattre. Bien que des Tama du Dar Tama aient été recrutés par les mouvements rebelles tchadiens, Human Rights Watch n'a pas constaté que les groupes rebelles tchadiens étaient actifs au niveau des communautés de la région; si beaucoup de Tama sympathisent ouvertement avec la rébellion, ils se demandent aussi pourquoi les rebelles Tama ne sont pas venus les défendre devant l'étendue des massacres.[80]

Les Tama et les Zaghawa interrogés ont avancé un certain nombre d'explications à l'augmentation soudaine de la violence intercommunautaire au Dar Tama. L'explication la plus courante est un incident survenu fin juin dans le village de Obé, situé à 12 kilomètres au sud-est de Guéréda dans le canton de Faréh. D'après un homme Tama de 52 ans vivant à Obé, les violences ont commencé après que deux hommes Zaghawa aient volé un homme Tama qui venait de rentrer du marché.

«Les gens à Obé poursuivaient les Zaghawa pour récupérer les choses volées, et alors les Zaghawa se sont retournés et ils ont tiré sur les Tama,» a raconté l'homme. «Un des Tama a reçu une balle dans la jambe. Il est tombé et il a fait le mort. Mais il avait un fusil. Les Zaghawa sont venus  pour le lui prendre, mais il était encore en vie et il les a tués tous les deux.»[81] 

Les témoins oculaires Tama de l'attaque de Obé ont raconté qu'un groupe nombreux de Zaghawa armés de fusils automatiques avait encerclé le village de Obé le 4 juillet ; certains des Zaghawa auraient porté des vêtements civils, tandis que d'autres portaient des uniformes militaires ou des parties d'uniformes.[82]  Un témoin oculaire Tama, âgé de 40 ans, a décrit une scène de violence aveugle :

«J'étais en train de prendre mon petit-déjeuner et quelqu'un est venu me dire: «Les Zaghawa ont encerclé le village,» a-t-il raconté. «Ceux qui pouvaient ont couru. Les Zaghawa se sont mis à tirer à l'intérieur des maisons. Ils ont tiré sur les gens qui s'enfuyaient. Ils disaient que nous étions tous des rebelles [tchadiens].»[83]

Une équipe médicale de l'International Medical Corps (IMC), une organisation non gouvernementale internationale, a soigné les blessés de Obé et a fait état de vingt personnes tuées et neuf gravement blessées. D'après l'IMC, des membres de l'ethnie Goran[84] armés de mitraillettes et de lance-roquettes ont encerclé Obé et ouvert le feu aveuglément.[85] Certaines déclarations de témoins oculaires suggèrent que les Tama de Obé ont riposté à leurs assaillants, peut-être même avec des armes automatiques, mais de toute façon les défenseurs du village ont été rapidement débordés. Human Rights Watch n'a pas reçu d'informations concernant des victimes Zaghawa à la suite des violences de Obé. L'événement a entraîné l'exode de 300 familles Tama de l'autre côté de la frontière, au Soudan.[86] Beaucoup d'autres se sont réfugiées dans la région de Guéréda.[87] 

Un homme faisant partie des centaines de Tama déplacés vivant à la périphérie de Guéréda a affirmé que les problèmes antérieurs entre Tama et Zaghawa à Obé concernaient habituellement du bétail volé, mais que les hommes Zaghawa qui ont attaqué Obé en juillet n'étaient pas des voleurs.

«Ils ont tiré sur les personnes qui s'enfuyaient ; pendant qu'on courait, ils nous suivaient pour nous tuer,» a-t-il déclaré. «Ils ne sont venus que pour tuer, pas pour voler. Avant ils volaient toujours, mais ce jour-là c'était seulement pour tuer.»[88]

Les Tama interrogés dans la ville de Guéréda et aux alentours font état d'une augmentation des vols de bétail commis par les Zaghawa à l'encontre des Tama depuis l'attaque de Obé, et ils remarquent aussi une proportion plus élevée des violences qui accompagnent ces vols.[89]  Une femme Tama âgée de 45 ans, habitante d'un village du canton de Faréh et qui s'est réfugiée au camp de Kounoungo, a dit que sa sœur a été tuée par des hommes armés Zaghawa alors qu'elle s'opposait à un vol.

 

«Je dormais et quand le soleil s'est levé, je me suis levée aussi pour préparer le thé,» a-t-elle raconté. «Puis j'ai entendu des coups de feu. Je suis sortie dans le jardin et j'ai vu les hommes. Quand mon mari a entendu les coups de feu il s'est enfui immédiatement, mais je ne pouvais pas laisser les enfants, alors je suis restée. Les hommes sont entrés dans la maison ; ils ne m'ont pas fait de mal, mais ils ont pris tout ce que nous avions. Dans le même quartier, ma sœur a été assassinée. Un homme l'a agressée pour lui prendre ses affaires. Elle a dit non. Il l'a tuée.»[90]

Certains villageois Tama se sont armés pour combattre leurs assaillants. Un homme Tama, âgé de 35 ans, dans un village Tama du canton de Faréh, a dit que son frère avait été tué alors qu'il poursuivait une petite bande d'hommes armés Zaghawa qui avaient volé ses animaux.

«Il s'appelait Abdullah Adam,» a dit l'homme. «Ils lui volaient son troupeau de chèvres. Il les avait rassemblées et ils les lui ont volées. Il les a suivis avec son arc et ses flèches et ils lui ont tiré dessus.»[91]

Dans de nombreux cas, les victimes des violences n'ont offert aucune résistance. Un garçon Tama de sept ans interrogé à l'hôpital de Guéréda a raconté que le 5 novembre il gardait un troupeau de chèvres à Mine Herat, un village près de Guéréda, quand un homme armé lui a tiré dans le pénis, et qu'il a aussi tiré sur son cousin de 25 ans et l'a tué.

«Ils étaient deux,» a dit le garçon. «Ils ont tout pris. Ils ont tué mon cousin aussi.»[92]

Les hommes tout comme les femmes sont peu disposés à parler de viol ou d'autres formes de violence sexuelle, et il est rare qu'ils donnent spontanément des informations sur les viols; ils s'expriment souvent par euphémisme, admettant par exemple qu'une femme a eu ses«vêtements déchirés» quand en fait elle a été violée. Malgré cela, Human Rights Watch a reçu des informations concernant des viols au Dar Tama. Etant donné la stigmatisation sociale associée au viol dans la société tchadienne, les viols ont vraisemblablement été plus fréquents que ceux qui ont été signalés.

Des incidents de viols et de violence sexuelle signalés à Human Rights Watch semblent avoir été circonstanciels, les agresseurs s'en prenant à des femmes lorsque celles-ci se trouvent dans les champs. D'autres se sont déroulés dans le contexte plus large d'attaques armées. Dans une communauté Tama aux environs de Guéréda[93], une personne âgée du village a déclaré qu'une jeune fille avait été violée au cours d'une attaque par des Zaghawa, qui prétendaient être à la recherche de rebelles tchadiens.

«Ils sont arrivés au village et ils ont dit que nous étions tous des rebelles, mais ce n'est pas vrai. Ils ont vu les hommes et ils ont dit «vous êtes des rebelles,» a-t-il dit. «Les femmes vont dans les champs et font les récoltes, elles vont au marché, elles vont chercher l'eau; si les hommes y vont, ils se font tuer. Alors les femmes y vont, mais elles se font violer.  Une fille est enceinte. Quand le bébé naîtra, nous l'accepterons. Nous n'avons pas d'autre choix : le bébé est innocent.»[94] 

Selon un fermier de Obé, âgé de 52 ans, qui s'est réfugié dans le wadi (lit de rivière asséché de façon saisonnière) à proximité de Guéréda avec son troupeau de chèvres et une centaine d'autres personnes déplacées depuis le début du mois d'octobre, moissonner les récoltes peut être dangereux pour les femmes Tama.

«C'était une bonne récolte cette année, mais nous n'avons pas pu récolter parce que [c'était] trop dangereux,» a-t-il dit. «Alors nous avons pris nos animaux et nous avons laissé la récolte dans le champ. Les femmes peuvent aller récolter mais pas les hommes, parce que les hommes se feront tuer. Mais les femmes se font violer. Même maintenant, ils frappent les femmes et ils les violent.»[95] 

Les groupes armés actifs au Dar Tama ont systématiquement pillé des biens civils dans les villages, prenant le bétail dans la plupart des cas. Des témoins Tama affirment qu'en 2006 le vol de bétail par des Zaghawa au Dar Tama est devenu de plus en plus fréquent, violent, et effronté. Selon le chef d'un village de 148 huttes situées entre les camps deMille et de Kounoungo, le vol est devenu un fait quotidien.

«Tous nos animaux ont été volés par les Zaghawa ; tout ce qu'il nous reste, ce sont les ânes … et les chiens,» a-t-il dit. «Il y a un peu de bétail dans le wadi en dehors du village ; les garçons doivent y dormir pour le surveiller. Si [les Zaghawa] le voient, ils le prendront. Et ils tuent. Nous vivons dans la peur. Quand je vais dormir le soir, je ferme les yeux très fort.»[96]

Selon ce chef de village, les Zaghawa ont attaqué son village en plein jour pour la première fois 10 jours avant le Ramadan (le 14 septembre), et ils ont pris dix têtes de bétail. Depuis lors, son village a été attaqué quatre autres fois, et 101 têtes de bétail ont été volées au total.

«Il y a toujours eu un problème avec les Zaghawa, mais avant, ils venaient nous voler mais en se cachant, ils avaient honte, ils le faisaient comme un voleur le ferait, la nuit,» a-t-il dit. «Maintenant ils n'agissent pas comme si ce qu'ils font était mal. Ils viennent pendant la journée et ils volent.» 

L'importance du pillage de bétail est devenue telle qu'en septembre, nombre de Tama des villages voisins du camp de Kounoungo, un camp de réfugiés administré par l'ONU, amenaient leurs animaux dans le camp la nuit pour empêcher qu'ils soient volés.[97]  D'après un dirigeant du camp de réfugiés, les Tama viennent se réfugier dans le camp parce qu'ils ont peur d'être attaqués s'ils restent dans leurs villages.

«Ils apportent les récoltes dans le camp pour qu'elles y soient en sécurité, et ils amènent aussi leurs moutons et leurs chèvres, et même des vaches, les seules vaches qu'il leur reste après tous les pillages, à l'intérieur du camp,» a-t-il dit. «Presque tout ce qu'ils ont a déjà été pris. Maintenant, ils vendent leurs animaux à bas prix dans le camp parce qu'ils veulent juste s'en débarrasser. Ils savent que leur bétail servira à les désigner comme cible alors ils veulent au moins en retirer un peu d'argent.»[98]

La vague de vols de bétail qui a balayé le Dar Tama ne se limite pas aux villages Tama ; les Arabes (qui sont également fortement représentés parmi les rebelles tchadiens) disent qu'eux aussi en ont été victimes.

«C'est arrivé dans nos villages chaque jour, ou chaque semaine,» a affirmé une femme arabe de Gurjuareh, au nord du camp de Kounoungo. «Ils ne tuent pas, ils volent seulement. Ils font partie de l'armée tchadienne. Des militaires Zaghawa. Ils portent des uniformes, ils viennent à cheval, parfois à trois, parfois à sept ou huit. Ils prennent les vaches, les bœufs, les chèvres. Il y a eu beaucoup de problèmes cette année, mais les trois derniers mois c'est devenu bien pire.»[99]

Beaucoup de personnes au Dar Tama déclarent que le gouvernement tchadien et les policiers n'ont pas fait grand chose pour arrêter les violences commises contre les civils, et que les enquêtes et les poursuites effectuées sont rares. Les responsables du gouvernement tchadien ne condamnent pas la violence croissante dans la région de Guéréda, n'enquêtent pas et ne traduisent pas en justice les criminels présumés. Ceci équivaut à une tolérance officielle, et encourage d'autres exactions.

Au delà de l'indifférence et de l'inaction, les habitants affirment que les autorités tchadiennes sont complices des Zaghawa qui commettent les agressions. Plusieurs témoins Tama des attaques contre les communautés affirment avoir vu des officiers Zaghawa distribuer des armes et/ou des munitions aux civils Zaghawa.[100]  Un chef de village près du camp de Kounoungo a déclaré:

«Le gouvernement les aide,» a-t-il dit. «Ils ne volent pas, mais ils défendent les autres Zaghawa qui volent. Si les bandits n'ont plus de balles, les militaires leur en donnent d'autres.»[101] 

Les habitants de la région soupçonnent aussi le gouvernement d'être impliqué dans la vague de vols qui infestent cette région. Des véhicules d'aide humanitaire volés à Guéréda ont été retrouvés en possession de représentants du gouvernement tchadien dans l'est du Tchad.[102] D'autres véhicules d'aide humanitaire volés auraient été vus en possession de rebelles soudanais connus pour leurs liens avec le gouvernement tchadien, comme par exemple la faction du G-19 fidèle à Khamis Abdullah, qui a été active dans la zone frontalière au sud de Adré et dans l'ouest du Darfour.[103]

De nombreux Tama vivent dans la crainte des fonctionnaires de l'armée et du gouvernement, et plusieurs dirigeants communautaires Tama n'ont accepté de participer à nos entretiens que la nuit et avec des strictes garanties de confidentialité. D'autres ont complètement refusé de s'exprimer, craignant des représailles violentes des forces de sécurité tchadiennes.[104] 

«Nous avons peur du gouvernement, de la police, des gendarmes. Ils savent tous ce qui se passe, mais ils ne font rien,» a dit un chef de canton[105] Tama d'un village à proximité de Guéréda. «Ils protègent leurs frères.»[106]

Ahya Amine (ahyaamine@yahoo.fr)

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Le dar tama est un departement mal organiser
Répondre