Entre l'intellectualisme révolutionnaire et le bavardage des tresseuses, l'attente.

Publié le par Hamid Kelley

Nous avons été habitués à des dirigeants qui ressemblent plus, à tout point de vue, à des caïds, des notables ruraux et des parvenus qui imitent leurs manières de gestion de la chose politique que des chefs d'une société policée.
"Le président de la république, chef de l'Etat, président du conseil des ministres, décrète…"

Voilà bien articulé tout l'énoncé de la situation nationale pour ceux qui veulent débattre sur la question. En d'autres termes, le président de la république est responsable de toute chose et dans tous les domaines. Le premier ministre n'a rien comme pouvoir et prérogatives qui feront de lui un vrai chef d'un vrai gouvernement dont on sait, de tradition tchadienne, qu'il ne forme pas. Le vrai problème de la nation se pose là et c'est autour de cela qu'il faudrait, à mon avis, réfléchir.

Le poste de premier ministre, qui a d'ailleurs perdu son prestige au pays des Saos, ne sert plus à l'élu du président, n'importe lequel, que d'un tremplin pour s'enrichir, toujours de manière illicite; de tradition aussi.

Et donc, le problème du Tchad, nous ne le répéterons jamais assez, est un problème d'inconsistance politique; de prérogative aussi, due à la déjà traditionnelle inconsistance politique qui touche aussi bien le gouvernement que l'opposition plurielle.

Les tchadiens ont été habitués à des systèmes de gestion paternaliste de type féodal dont les intellectuels, eux-mêmes, pour ne pas dire qu'ils encouragent, s'en accommodent voire le perpétuent consciemment ou inconsciemment.
Nous avons été habitués à des dirigeants qui ressemblent plus, à tout point de vue, à des caïds, des notables ruraux et des parvenus qui imitent leurs manières de gestion de la chose politique que des chefs d'une société policée.

Le débat sur le changement qu'il faudrait pour la république, est un débat qui apprécie les réalités du présent, à leur juste valeur, pour organiser un futur responsable. Il nous faudra un passage de cette mentalité réductrice et mercantile à l'émulation d'une société des hommes conscients de l'état d'arriération de leur patrie dans tous les domaines; il nous faudra bannir les réactions circonstancielles et intempestives qui ne changent rien à la donne.

Les conditions objectives pour un sursaut national, à défaut d'une révolution populaire, sont là. Est-il impossible pour les tchadiens et surtout pour la classe intellectuelle, de canaliser les mécontentements populaires dans des canaux idéologiques afin de créer les conditions subjectives d'un soulèvement organisé?

La question qui se pose avec insistance est, donc, la suivante: avons-nous réellement conscience de notre comportement politique par rapport à ce qui se passe dans notre patrie? Sommes-nous assez mûrs pour entreprendre des actions révolutionnaires pour un changement positif ou devrions "s'intellectualiser en intellectuels" d'abord avant de parler de révolution ou de changement tout court?

Les raisons de ces questions sont que ces deniers jour, on remarque que toute l'attention de notre intelligentsia "réformiste" est attirée par la nomination d'un nouveau premier ministre. Si une partie dit bien que c'est un non évènement, on constate, cependant, quelque part, une odeur bien connue des tchadiens; l'opportunisme dans les réactions de certains qui tentent d'être remarqués par le nième premier ministre de l'ère Deby. Je parle de ceux de la diaspora qui nourrissent le rêve d'être appelé au nouveau gouvernement en perspective.

Les uns, dans leur course pour rattraper les choses avant qu'elles ne se perdent, tentent de nous brosser un tableau on ne peut plus idyllique du nouveau premier ministre tout en oubliant qu'il y a seulement quelques deux ans que le nouveau premier ministre était traité de tous les noms pour avoir rallié le régime. Depuis, il a réussi à se faire oublier.
Qu'on me comprenne juste; je ne condamne pas son ralliement. C'est son droit le plus absolu d'échelonner les phases de son combat. Mais je m'interroge seulement sur le comportement ambivalent de certains.

A y voir de près, pour faire sortir notre pays de son état de démuni, de son état d'éternel mendiant, de son état d'Etat voyou, il nous faudrait encore attendre. Attendre jusqu'à ce que nous sachions faire la différence entre l'intellectualisme révolutionnaire et le bavardage des tresseuses.

Albissaty Saleh Allazam
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