Paris tend la main à Khartoum sur le Darfour

Publié le par Hamid Kelley

Realpolitik contre justice universelle. Nicolas Sarkozy a détaillé, à l’occasion de sa venue à l’Assemblée générale des Nations unies à New York, les conditions dans lesquelles la France envisagerait de militer pour une suspension des poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) visant le président soudanais Omar el-Béchir. En juillet, le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo avait demandé l’émission d’un mandat d’arrêt contre Béchir pour «crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide» au Darfour depuis 2003.

Virage. Trois juges de La Haye ont entamé cette semaine l’examen de la requête du procureur. Cette phase peut prendre des semaines mais, pour le pouvoir soudanais, le temps presse. Une confirmation de l’inculpation et du mandat d’arrêt ferait d’El-Béchir un paria. La France, qui entend jouer un rôle en pointe sur le Darfour, notamment à cause de son engagement militaire au Tchad, a sauté sur l’occasion. Après avoir salué, en juillet, l’initiative de Moreno Ocampo par la bouche de Bernard Kouchner, Paris, qui est à l’origine de la saisine de la CPI en 2005, a opéré, en septembre, un virage radical. A l’occasion d’un voyage à Khartoum de Bruno Joubert, conseiller Afrique de l’Elysée, Paris a présenté une forme de marché au régime soudanais. Joubert, reçu par le vice-président Ali Osmane Taha et les chefs de la sécurité et du renseignement, Salah Abdallah Gosh et Nafie Ali Nafie, tous très inquiets pour leur avenir, a développé les quatres «mesures» attendues par la France pour que soit envisageable une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, où les groupes arabes et africains poussent dans ce sens . Il y en a quatre : transférer ou juger au Soudan les deux personnes déjà inculpées par la CPI (le secrétaire d’Etat Ahmed Haroun et le chef de milice Ali Khocheib, des sous-fifres) ; faciliter le déploiement de la Minuad, la force de maintien de la paix africano-onusienne, pourtant inefficace ; signer un accord de paix avec tous les rebelles ; et cesser de s’ingérer au Tchad voisin, le protégé de la France.

Alors que le Quai d’Orsay niait tout lien entre les «mesures» et la suspension des poursuites, Sarkozy l’a établi sans fard à New York. Pourtant, lors de la campagne présidentielle, il avait promis que les dirigeants soudanais répondraient«devant les tribunaux de leur refus d’ouvrir les corridors humanitaires» (ce qui, d’ailleurs, était faux).

Offensive. Ce pari, encouragé par le Qatar qui se verrait bien en faiseur de paix mais dénoncé par les ONG, est aussi risqué qu’optimiste. Khartoum est engagé dans une grande offensive militaire dans le fief rebelle du Djebel Marra et au Nord-Darfour, afin de couper l’accès des rebelles au Tchad, où ils se fournissent en armes, et de réduire le SLA-Unity, le plus actif des mouvements. Sans succès : au Djebel Marra, les 2 500 soldats gouvernementaux ont été repoussés, perdant au moins 200 hommes, une quarantaine de véhicules et des armes selon une source bien informée au Soudan. Seul résultat : 40 000 civils ont dû quitter leurs villages détruits par les bombardements d’avions et d’hélicoptères de combat repeints aux couleurs de l’ONU.

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