Soudan: l'ex-rébellion de l'est en lutte intestine pour le pouvoir

Publié le par Hamid Kelley

Les dirigeants de l'ex-rébellion de l'est du Soudan vivent une transition difficile vers le monde politique, enlisés dans une lutte intestine pour le pouvoir qui menace leur coalition et l'accord de paix signé en 2006 avec Khartoum, selon des analystes.

Le Front de l'est est né d'une coalition entre le Congrès Beja, créé dans les années 1950 du nom de l'ethnie la plus importante, et les Lions libres de la tribu arabe de Rachidiya. Il a pris les armes en 1986, réclamant un partage des richesses pour cette région pauvre et sous-développée, les mêmes revendications que leurs compatriotes du sud et du Darfour (ouest).

En octobre 2006, un accord de paix leur a garanti des postes dans le gouvernement central, l'accès de la population aux administrations et un plan de financement de la province qui abrite le port principal du Soudan, Port Soudan, et un oléoduc crucial. Mais peu de progrès ont été accomplis.

«C'est une lutte de pouvoir aux dimensions tribales et ethniques», estime un diplomate étranger, sous le couvert de l'anonymat. Cette lutte pourrait mener à «une désintégration du Front de l'est, qui aura aussi une répercussion négative sur l'application déjà lente de l'accord de paix de l'est du Soudan», prévient-il.

Le président du Front, Moussa Mohamed Ahmed, et son adjointe, Amna Dirar, luttent désormais pour représenter cette région dans les couloirs du pouvoir. Ce mois-ci, Mme Dirar a annoncé la suspension de M. Ahmed de la présidence du Front, avant d'être elle-même suspendue par le Congrès Beja.

En août, M. Ahmed, qui dirige le Congrès Beja, a été nommé assistant du président Omar al-Béchir. Mme Dirar a obtenu un rôle de conseillère présidentielle, tandis que le secrétaire général du Front, Moubarak Mabrouk, était promu secrétaire d'État au transport.

Le gouvernement a alloué 100 millions de dollars en 2007 pour le Fonds de reconstruction et de développement de l'est du Soudan, qui est supposé recevoir au moins 125 millions de dollars chaque année jusqu'a 2011. Mais seulement 25 millions de dollars ont été dépensés jusqu'ici, les habitants de l'est doivent encore être intégrés aux administrations et rien n'indique un développement économique, culturel et social dans cette région où règnent pauvreté et chômage.

La faiblesse du Front a permis au Congrès national (CN), parti du président Béchir, de diviser pour mieux régner, estime le journaliste et universitaire Murtada el-Ghali.

«Il (Ahmed) est assistant de Béchir mais il n'a aucun mandat. Il ne peut rien faire sur le budget, l'argent, le désarmement, la réhabilitation (des ex-rebelles), le développement à l'est», explique-t-il.

Selon le diplomate étranger, l'absence de garants internationaux lors de la signature de l'accord de paix explique aussi l'immobilisme de Khartoum envers l'est.

L'Est est également desservi par un climat politique dominé par la crise du Darfour (ouest) en guerre civile depuis 2003 ainsi que la menace de mandat d'arrêt émise à l'encontre du président Béchir par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

M. Ahmed admet une «nouvelle compétition entre différents groupes du Front de l'est pour le partage du pouvoir» car la coalition n'a pas su se muer en vrai parti politique. «C'est une crise de transition. Cela ne fait que deux ans et c'est normal», assure-t-il toutefois.

Pour Mme Dirar, le Front est un parti politique indépendant, et le Congrès Beja une survivance tribale qu'elle accuse de sexisme.

Elle prévient que les combats pourraient reprendre si aucune avancée n'est perceptible dans l'application de l'accord de paix, notamment sur la question des combattants démobilisés qui n'ont pas reçu de dédommagements. Cette perspective est toutefois écartée par les analystes.

source: cyberpresse

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