IDRISS DEBY, UN “CLIENT” POUR LA CPI

Publié le par Hamid Kelley

Il est désormais établi que l’opposant Ibni Oumar Saleh est décédé. Il est aussi établi qu’il a été enlevé comme Lol Mahamat Choa et Ngarlejy Yorongar par des éléments de l’armée fidèles au chef de l’Etat tchadien.

Comme il l’a fait pour Omar-el-Béchir, le chef de l’Etat du Soudan, le procureur de la Cour pénale internationale devrait ouvrir un dossier pour M. Idriss Déby Itno, le président du Tchad. Il n’est pas encore prouvé de manière formelle que M. Déby mène un génocide dans son pays. Mais les conditions dans lesquelles trois opposants ont été enlevés le 3 février dernier à la suite d’une attaque perpétrée par des rebelles venus du Soudan et la “disparition” déjà certaine de Ibni Oumar Saleh suffisent à indexer Idriss Déby Itno.
On observe curieusement la timidité avec laquelle l’Union africaine et la France gèrent les conclusions de l’enquête rendues publiques le 5 septembre dernier. Dans un voyage-éclair à Ndjamena le 27 février – soit 24 jours après le kidnapping des trois opposants et le brouillard épais qui cachait la mort de Ibni Oumar Saleh – Nicolas Sarkozy s’était engagé à aider le Tchad à faire la lumière sur la disparition du président du Parti pour les libertés et le développement (Pld).

Déby n’est ni Béchir ni Mugabe


Rusé comme il l’est, détenteur du rapport de la commission depuis le début du mois d’août, Idriss Déby Itno, a attendu un moment propice pour le publier enfin. L’occasion fait le larron, dit-on. Il publie ce rapport au moment où les Européens sont concentrés sur la crise de la Géorgie et où à travers le Proche-Orient, Nicolas Sarkozy fait des pieds et des mains pour s’inscrire comme arbitre incontournable dans cet autre théâtre conflictuel. Il ne reste plus que l’Union africaine pour prendre ce dossier à bras le corps et le ramener au-dessus de la pile. On est en droit de se demander où est passé M. Jean Ping, le président de la Commission.
On a vu Mme Condoleeza Rice passer dans la région ce week-end, elle était tour à tour en Libye, en Tunisie, en Algérie et au Maroc : presque aux confins du Tchad. A Benghazi, chez Kadhafi, elle a évoqué le sort d’un prisonnier politique libyen dont le frère vit à Boston, mais a pudiquement ignoré qu’un autre opposant a été enlevé et porté disparu il y a seulement sept mois, tout à côté.
C’est vrai que les Etat n’ont que des intérêts. Kadhafi n’est plus “le chien fou du Proche-Orient” du temps de Reagan. De nos jours, il peut dîner avec le chef de la diplomatie américaine. Au moment où la tête de Omar-el-Béchir est mise à prix et que Mugabe est vomi par les Occidentaux. Tous les deux parce qu’ils sont en contravention avec les volontés de l’Occident qui est le premier destinataire du pétrole tchadien. Ainsi, Idriss Déby Itno peut falsifier à volonté la constitution tchadienne pour s’éterniser au pouvoir, faire disparaître tous ses opposants. En Occident on ne hausse pas le ton. Intérêts étatiques obligent.
Pourtant publié le 3 septembre dernier le rapport attribue l’arrestation d’Ibni Oumar Mahamat Saleh à des éléments des “ forces de défense de sécurité portant des uniformes avec taches de camouflage ”. Le rapport conclut qu’“aucune information ou élément de preuve n’ont pu être obtenus sur le lieu ou les lieux de sa détention et les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée”.

Crime de guerre


Si les membres de la commission d’enquête disent ne pas disposer de preuves, ils font état d’un “faisceau de présomptions graves” mettant en cause les militaires de Déby qui avaient déjà en main le contrôle de Ndjamena. Avec le concours de l’armée française. Le député Ngarlejy Yorongar se souvient clairement qu’il a été enlevé par huit militaires de l’Agence nationale pour la sécurité, dirigée par Mahamat Ismaël Chaibo. Il a même témoigné sur les ondes de Rfi le branle-bas qui a suivi la mort de Ibni Oumar Saleh qui était son voisin de cellule.
Il faut dire que les tripatouillages que ce rapport a subi n’ont pas réussi à blanchir le shérif du Tchad. L’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) et l’Union européenne (Ue) regrettent curieusement que “ la manifestation de la vérité ” n’ait pu être établie sur “ le cas emblématique de la disparition de l’opposant politique Ibni Oumar Mahamat Saleh, en dépit du travail rigoureux et minutieux qui a été mené ”. Un communiqué conjoint des observateurs internationaux de l’Oif et de l’Ue au sein de cette commission, estime que “ les travaux de la commission d’enquête ne doivent constituer qu’une première étape de cette recherche de la vérité et de la justice ” et appelle “ les autorités tchadiennes à engager de nouveaux efforts dans ce sens ”.
Il ne reste plus à Déby qu’à livrer quelques tondus et pelés de sa soldatesque. Ce qui ne le dédouanerait pas pour autant de la Cour pénale internationale pour crime de guerre. N’a-t-on pas claironné dans les médias que les tortionnaires n’y échapperont désormais plus. Quels que soient leurs fonctions ou grades.
 

Source: LeMessager

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