Deby sent-il souffler le vent qui vient du Maghreb ?

Publié le par Waldar

Deby sent-il souffler le vent qui vient du Maghreb ?


Un vent purificateur souffle depuis un mois sur notre continent. Un vent de sable né avec fureur au nord de l’Afrique. Un vent qui a « dégagé » - au propre comme au figuré - deux monstrueux dictateurs maghrébins de leurs trônes que l’on a toujours cru indéboulonnables.

Un vent qui donne même l’impression de pouvoir dégager encore d’autres tyrans vissés à la tête des malheureux Etats de notre continent. Un vent enfin qui devrait bientôt orienter sa trajectoire en direction de l’Afrique noire. Elle en a besoin. Et qu’on ne nous dise pas que … L’Afrique noire, ce n’est pas le Maghreb !

Que tous les analystes de salon s’en souviennent : au lendemain de la lamentable fuite du président Ben Ali – et juste au moment où le peuple égyptien commençait à peine de froncer des sourcils – ils avaient été nombreux, les doctes analystes politiques de tous crins qui s’étaient cru obligés de marmonner dans leurs barbes, et même de trancher dans des colonnes de journaux – ou dans des salons huppés - que l’Egypte n’est pas la Tunisie, et que ce qui venait de s’y passer ne pouvait en aucun cas être réédité au pays des pharaons.

Impardonnable erreur d’appréciation : il aura seulement fallu 18 jours pour que tous ces diseurs de bonne aventure réalisent qu’ils s’étaient mis le doigt dans l’œil. Jusqu’au coude !

Contre toutes ces logiques absconses, le rais Moubarak a connu le même sort que Ben Ali : Le peuple s’est monstrueusement mobilisé, s’est furieusement pressé dans la rue, lui a hurlé sans discontinuer « DEGAGE », et le pharaon Moubarak, en dépit d’une tentative timorée de résistance, et exactement comme son homologue tunisien, est sorti du pouvoir la queue entre les pattes, en fuyant, par une fenêtre dérobée sous laquelle il n’y avait plus le moindre tapis rouge.

Triste fin pour un dictateur qui réalise aujourd’hui - comme sous le fait d’une terrible surprise - la relativité des choses et des certitudes. Mais par dessus tout, triste leçon que devraient retenir tous ces chefs d’Etats des tropiques qui ne pensent qu’à mourir au pouvoir, parce que définitivement convaincus que l’avis du peuple ne compte pas.

Mais il faut dire que ce spectaculaire phénomène populaire affiche la tendance de vouloir contaminer tout le Maghreb – pour ne pas dire toute la sphère Arabe. Et déjà ces sinistres potentats qui trônent encore en Algérie, en Jordanie, au Yémen, et même en Libye commencent à toucher du bois en scrutant chaque matin – non sans inquiétude – le thermomètre de leurs populations pour se rassurer que la température est toujours à 37 !

A ce sujet, on entend déjà d’ici bon nombre de « tchatcheurs » de salon qui, malgré l’amplitude du tsunami, ne se gênent guère de penser avec obstination que la Libye de Kadhafi n’est pas la Tunisie, ou encore que l’Algérie de Bouteflika a d’autres réalités que l’Egypte.

Alors que ce qui vient de se produire, en moins d’un mois, en Tunisie et en Egypte a fait perdre la boussole même aux spécialistes les plus pointus de la lecture du marc de café. Car personne, mais alors personne, n’aurait pu imaginer que ces deux régimes autocratiques - absolument soutenus par l’Armée – auraient pu se désagréger comme des châteaux de sable sous la pluie en moins de deux semaines, par la seule volonté populaire.

C’est pour cette raison, et quelques menues autres, que personne ne peut raisonnablement, à l’heure qu’il est, jurer de quoi que ce soit pour ce qui serait de l’avenir immédiat de ces régimes dictatoriaux et fossilisés qui oppriment l’aire Arabe depuis près d’un demi siècle.

Mais ça, c’est le problème de ceux qui – ignorants des facéties parfois désarmantes de l’Histoire - ont du mal à saisir toutes les incidences des contagions des révolutions. Car le problème des négro africains que nous sommes, en ce moment où le monde entier applaudit à tout rompre le courage et la détermination des peuples Tunisiens et Egyptiens qui ont su arracher leur liberté, c’est de savoir si la dynamique populaire qui vient de jeter à terre Ben Ali et Moubarak pourrait contaminer le sud du Sahara pour mettre dehors tous ces roitelets nègres qui font ployer les malheureuses populations de leurs pays - transformés en propriétés privées - sous le joug de dictatures féroces et insupportables.

Et dictateur parmi les dictateurs, Idriss Deby Itno mériterait bien que le peuple Tchadien le « dégage » du palais rose sans autre forme de procès. Mais cela est-il possible ? Cela est-il envisageable ?

Le peuple Tchadien, usé, laminé et fatigué par près de vingt années de tortures et d’oppression politique sauvage, a-t-il encore suffisamment de tripes et de rage pour se débarrasser – à la façon tunisienne – de ce pouvoir absolu qui a rendu Idriss Deby Itno absolument fou ?

La question ne devrait même pas se poser : La réponse est entre les mains du peuple Tchadien qui, seul, peut encore donner une ultime preuve de sa capacité à résister et à se débarrasser d’un soudard qui cumule avec délectation les titres de président, général d’armée, et Sultan !

Il est en tout cas certain que malgré la terreur irrépressible qui donne l’impression d’avoir tétanisé le peuple Tchadien, celui-ci n’a rien d‘un peuple résigné. Il a certes confié son destin entre les mains du Très Haut et Très Miséricordieux, et c’est justement pour cela que la volonté du créateur peut faire que, bien plus tôt qu’il ne pourrait le penser, DEBY pourrait faire les frais d’un remake – version Tchadienne – de ce qui vient de se passer en Tunisie et en Egypte.

Cette hypothèse n’a rien de farfelu ou de fantasmatique, car ce qui vient de se dérouler en Tunisie et en Egypte est là pour prouver que les peuples de ces deux pays, bien qu’ayant donné pendant plus de trente ans l’impression d’avoir été émasculés, ont eu un sursaut désespéré qui a radicalement réglé leur problème. Et c’est une leçon pour l’Afrique noire toute entière, et plus spécifiquement celle en butte à la tyrannie et au despotisme.

C’est essentiellement pour cela que les DEBY (Tchad), SASSOU (Congo), BIYA (Cameroun), BONGO (Gabon), GNASSINGBE (Togo), OBIANG NGUEMA (Guinée Equatoriale) et autres – tous vissés au pouvoir depuis des dizaines d’années - ne dorment plus que d’un œil. Ils savent que le Maghreb vient d’apprendre à toute l’Afrique que tout est possible, même déboulonner les demi dieux qui se sont imposés comme des hommes providentiels que rien, ni personne ne pourrait remplacer.

Les faits viennent de nous démontrer que malgré le fait que nos Néron nègres couvent des Armées entièrement acquises à leurs causes, celles pourraient ne pas les protéger de la furia populaire, car désormais le moindre tract, la plus anodine revendication, ou le plus insignifiant sitting pourrait servir de détonateur à un mouvement populaire capable de provoquer le pire. C’est bien à cause d’un vendeur de fruits désespéré que Ben Ali ait perdu son pouvoir …

Quoi qu’il en soit, autant certains esprits avaient trop vite pensé que l’Egypte n’est pas la Tunisie, nous savons tous que le Tchad non plus n’est pas Tunisie.

Pourtant, exactement comme en Tunisie, une insolente oligarchie s’est accaparée de toutes les richesses du pays depuis vingt ans. Comme en Tunisie et en Egypte, un dictateur autiste a transformé tout le pays en une vaste prison dans laquelle la seule réalité est celle du clan au pouvoir.

Comme en Tunisie et en Egypte, les droits de l’homme, la liberté, les élections, et la démocratie sont des concepts subjectifs n’ayant aucun sens. Enfin, comme dans ces deux pays, le despote s’obstine à croire que l’Armée sera là pour le défendre.

Mais comme en Tunisie et en Egypte, le peuple - contrairement à tous les pronostics – a eu raison du dictateur et de son régime.

En tout cas, une chose est sûre : DEBY ne peut ne pas être inquiet à l’heure qu’il est – malgré ses élections truquées qu’il est en train d’organiser –. Le mauvais vent qui vient du Maghreb est capable de tout !


Ndjamena-matin

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